A toute allure...
Cette fois je m’engage dans un espace où je peux respirer.
La partie qui suit, c’est-à-dire la droite de la jupe de Viviane est et sera la seule partie ou je vais pouvoir relâcher la pression.
Désormais les couleurs sont validées. Leurs inter-actions aussi. Je déroule.
Vous n’imaginez pas comme c’est bon les passages comme ceux-là où je n’ai pas à réfléchir à chaque croix.
Vous-mêmes, lorsque vous arriverez là, vous vous détendrez aussi car vous aurez désormais en main toutes ces couleurs.
Cela ne veut pas dire que c’est simple mais que sur une surface relativement importante on n’utilisera que très peu de couleurs, soit une maîtrise des symboles et donc une accélération du geste.
C’est le moment où je retrouve le plaisir originel de la broderie. Les croix s’enchaînent. Je progresse à toute allure. Et j’oublie tout.
Vous n’imaginez pas comme c’est bon les passages comme ceux-là où je n’ai pas à réfléchir à chaque croix.
Cela est possible avec des grands sujets comme celui-là mais pas du tout pour des plus petits sujets comme Les Crêpes ou Challigraphe (Bien que le corps du chat était finalement aussi très relaxant à faire).
Dans un petit sujet, c’est-à-dire peut-être 5000 points, la tension est permanente. De bout en bout on est sous le stress.
Chaque point, absolument chaque point est pesé, sous-pesé, évalué, validé. Il n’y a pas de place pour l’approximation. Du moins si on fait des choses fines. Tout dépend de sa propre exigence et de sa manière de faire.
Cette tension permanente m’a sortie à une époque du plaisir simple de broder. La broderie était devenue synonyme de muscles noués, de tension dans les épaules. Ce n’est pas que je n’appréciais plus créer mais je redoutais cette plongée dans le stress. J’ai dû ralentir et trouver comment soulager mon emploi du temps.
J’ai cherché de l’aide :
- J’ai essayé, pour des sujets plus simples, de créer les grilles et de les donner à broder. Cela m’a soulagée un temps mais j’avais peu de satisfaction et le résultat était bien moins qualitatif. Je mesurais comme il était essentiel pour atteindre un résultat optimum de voir évoluer la grille point après point entre mes mains.
- J’ai aussi confié des images à des brodeuses chevronnées désireuses de créer. Mais aucune n’a réussi à dompter ces images pour en faire une grille.
Résultat nul. Retour au stresssssssssss…..
Je ne vous cache pas que ma méthode de création est de loin la moins rentable. Il me faut des semaines voire des mois pour créer un sujet alors que d’autres n’y passent que quelques heures. Cependant je ne crois pas qu’une méthode soit meilleure qu’une autre. Chaque artiste adopte une manière qui lui est propre et celle qui lui permet d’exprimer au mieux son talent. Il n’y a pas d’ordre de valeur.
Ne pouvant déléguer je me suis demandée comment faire pour retrouver ce merveilleux plaisir originel de brodeuse qui enchaîne les points de manière fluide sans se matraquer les neurones. Je voulais moi aussi renouer avec cette sensation d’excitation lorsque les couleurs s’étalent sur la toile et se révèlent.
Je me suis rappelée ce qui avait fait mon bonheur lorsque j’ai découvert le point de croix : les grands portraits.
Des reproductions de William Morris aux de belles dames des créatrices telles que Lavender and Lace, Mirabilia, voilà ce qui m’avait embobinée. Pour ce qui est des thèmes et bien là aussi retour à la source : la Légende Arthurienne. Vous connaissez la suite : Guenièvre puis Arthur et maintenant Viviane.
C’est le moment où je retrouve le plaisir originel de la broderie. Les croix s’enchaînent. Je progresse à toute allure. Et j’oublie tout.
Légende égal littérature. Voilà deux mots qui s’entremêlent et sont au cœur de ma vie depuis plusieurs décennies. NIMUE est Viviane qui est la Dame du Lac. Ce sont trois appellations pour un même personnage chacun ayant quelques variantes. C’est ainsi que s’est bâtie la Légende Arthurienne au fil des siècles. Certains personnages se sont vu attribuer des noms différents mais avec les mêmes fonctions au sein de l’histoire. Tous ces écrits constituent un corpus littéraire où se forge la légende.
Broder des grandes robes, des drapés, permet cette immersion libre dans la broderie qui donne tant de satisfaction. A vous qui êtes aussi passionnées que moi vous comprenez de quoi je parle.
J’ai créé beaucoup de costumes dans ma précédente vie, c’est-à-dire lorsque j’étais directrice du Château de Comper-en-Brocéliande. Ce n’était absolument pas dans mes fonctions mais ma nature créative et mon goût pour les arts textiles, et finalement la nécessité, m’ont fait plonger totalement dans leur fabrication. Nous avions peu de moyens et tous les talents étaient bienvenus. Toute l’équipe et les bénévoles œuvraient dans un enthousiasme fringant et rien ne semblait pouvoir nous arrêter. Malheureusement nous n’avions pas de smartphone pour prendre des photographies et fixer tout cela pour l’éternité aussi je n’ai pas grand-chose à montrer de cette époque. Il faudrait que je replonge dans les bas-fonds de mes tiroirs pour que de vilaines photos mal cadrées et mal exposées puissent être scannées.
Toutes ces grandes robes crées dans des tissus différents, velours, soies, laines, cotons, m’ont laissé l’expérience des effets de matières aux tombés particuliers. C’est pourquoi je me sens si à l’aise lorsque je dois reproduire en broderie ces vêtements de roi ou de reine, de dames fées, et même le petit peuple car je sens entre mes mains ce que sont ces tissus et comment ils « vivent ».
Pour Guenièvre, j’y voyais un velours de soie assez fin et très souple. Pour Arthur, un velours de coton épais. Pour Viviane, une sorte de soie sauvage, au tombé un peu cassant avec une cape de laine aux mailles un peu lâches.
Une broderie est toujours un mixte entre ce que l’on sait et voit de ce que l’on représente, la connaissance, et de ce que l’on perçoit, l’essence du sujet. Il s’agit de savoir autant que de ressentir. Plus on en sait, plus fine est l’œuvre. Mieux l’on discerne l’essence du sujet plus l’œuvre est émouvante et sensible. Les deux doivent se combiner amoureusement pour atteindre ce que l’on va appeler la Grâce.
Cela ne fonctionne pas à chaque fois, pour des raisons inhérentes au sujet ou à un contexte, à un moment, une cause extérieure, qui perturbe l’immersion dans la création.
Ce que j’ai observé cependant c’est que lorsqu’une création émerge littéralement de mes mains, je pourrais presque dire « jaillit », c’est que je suis dans le vrai et que quelques chose de Merveilleux est en train d’éclore.
Rendez-vous pour la suite : Viviane Episode 6…
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Viviane, La Dame du Lac, par Nimuë d’après une illustration de Zéphir d’Elph.
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Bonjour Annaick
J’admire toujours autant votre travail en revanche j’ai du mal avec les quarts et les demi points, jai même tendance à trainer quand il s’agit de les aborder.
A part cela il est vrai que dans les broderies il y a des moment antistress .
Merci
Christiane
Bonjour Christiane. S’il ne tenait qu’à moi je mettrais des 1/2 points, 1/4 de points et 3/4 de points partout ! Ce serait tellement plus fin ! C’est dur s’en priver mais je pense à vous et la plupart des brodeuses qui n’aiment pas beaucoup cela… Dommage !
C’est toujours très impressionnant de voir la qualité de votre travail, toute l’attention et les soins que vous apportez à vos créations. Voilà pourquoi vos oeuvres sont si belles! j’ai vraiment hâte de découvrir Viviane. à bientôt
Merci Marie-Thérèse. Je suis pressée d’avancer aussi.
J’adore le château de Comper. C’est là que j’ai découvert vos broderies en flanant dans la boutique. J’espère pouvoir y faire un tour cette année si les conditions le permettent.
C’est passionnant cette immersion dans votre travail… j’admire …
Merci Elisabeth. Il me semble que pour re-commencer le château est ouvert 2 après-midi par semaine… c’est très peu. Ce sera bien plus cet été. L’année passée je n’y suis pas allée, c’était la première fois en 28 ans ! Merci pour vos encouragements ! La suite dans une semaine.
Je ronge mon frein …
Je ris…