L'œuvre originale...
La plupart des créateurs de broderie sont artistes peintre ou graphistes. Ils créent une oeuvre originale et la transforment en diagramme. Beaucoup ne brodent pas eux-mêmes car ce n’est pas leur métier. Leur métier c’est de créer une image.
Mon métier est différent dans le sens où je créer rarement le motif original. Je suis brodeuse et j’interprète l’œuvre de quelqu’un d’autre. C’est pourquoi je me définis avant tout comme une coloriste.
Les artistes/illustrateurs avec lesquels je travaille ne crée pas non plus des images exprès pour moi. Je pioche, avec leur autorisation et moyennant des royalties, dans leur répertoire d’images. A chaque fois que vous achetez un kit ou une grille chez Nimuë, un pourcentage leur revient. Ce sont ce que l’on appelle des droits d’auteurs.
Cela implique de respecter l’oeuvre originale.
Il m’est arrivé peu souvent de devoir faire une modification importante. En général je respecte assez scrupuleusement ce qui a été imaginé par l’artiste originel.
C'est pourquoi je me définis avant tout comme une coloriste.
Bien que désireuse de respecter ces oeuvres voici les contraintes liées au matières de la broderie :
- La toile qui devient la trame et le cadre de la broderie
- Les fils : cotons moulinés, soie, fils métalliques, etc
- les accessoires : charms, perles, appliqués (autres tissus), bijoux ou apprêts
Toutes ces matières apportent du volume. Une peinture est en deux dimensions avec un aspect plat. La lumière s’accroche aux couleurs de manière uniforme (à moins de matières ajoutées).
En broderie rien de cela. Nous sommes aussi en deux dimensions mais avec des « redondances » de fils ou d’objets qui vont accrocher chacun différemment la lumière.
En d’autre mots : la lumière s’accroche au point, en plusieurs endroits que sont :
- le sommet du point
- la couronne autour du point dans sa rondeur
- la base du point
Ce qui pourrait nous faire dire que nous avons plusieurs couleurs dans un seul point.
La manière dont on brode va beaucoup influencer le résultat. Les points seront plus ou moins volumineux selon la tension des fils.
Personnellement je brode sans tambour.
J’ai perdu la patience d’utiliser cet outil lorsque j’ai créer La Clef il y a bien longtemps… en 2002 je crois.
Cela demandait trop de temps de le mettre puis de l’enlever. Je devais avoir une vision globale de ce que je brodais toutes les 5 minutes et donc le retirer. J’ai beaucoup abîmé ma toile de lin qui n’a pas supporté cette mal-traitance !
Bannir cet objet a eu une forte incidence sur le résultat car mes croix sont devenues très rondes, très volumineuses je dirais même très voluptueuses.
Pour prendre une expression culinaire je dirais qu’elles sont gourmandes.
J'ai perdu la patience d'utiliser le tambour lorsque j'ai créer La Clef il y a bien longtemps
L’incidence ne s’arrête pas là : les points arrières.
Les points arrières sont directement influencés par ces « grosses » croix, puisqu’ils doivent soit les contourner, soit les enjamber. Cela ne peut pas faire le même résultat que sur des croix tendues et plates !
Vous comprenez maintenant pourquoi je vous dis à chaque fois qu’il ne faut pas respecter à la lettre les patrons car ils peuvent devenir approximatifs pour des ouvrages brodés différemment.
A chacune sa patte de brodeuse ! Il n’y a pas deux broderies identiques ni deux brodeuses identiques.
Je ne vous dis pas non plus qu’il faut arrêter d’utiliser un tambour car le plus important c’est de faire les choses comme cela nous plaît. Je déteste les règles qui contraignent. Accrochez-vous à votre plaisir tel qu’il vous va, car c’est le seul qui ait de la valeur. Je suis trop indépendante moi-même pour donner des règles à suivre. A chacune de voir ce qui la met à l’aise et lui procure le plus de satisfaction.
Toutes les images, si belles soient-elles, ne sont pas intéressantes pour la broderie.
Revenons aux œuvres originelles…
Toutes les images, si belles soient-elles, ne sont pas intéressantes pour la broderie. Mon premier travail est de savoir les sélectionner.
Mes sujets sont des personnages. Le plus souvent ils sont « en situation » c’est-à-dire qu’ils sont dans un décor.
Or, en broderie, on ne brode généralement pas les décors.
La question se pose alors de savoir si ce personnage peut exister sans son décor.
Pour Viviane, La Dame du Lac, l’évocation du lac peut être pertinente.
Mais alors où s’arrêter ? le lac ne va pas être en suspension tout seul dans l’espace. Il faudra bien lui-même l’insérer dans un décor.
Le personnage étant relativement simple lui-même, augmenter l’ouvrage général de quelques éléments de décor semble une option crédible. Mais cela ne pourra être que du second plan.
Ce n’est pas ce qui devra attirer le regard en premier lieu.
Cette question sera traiter en toute fin alors que le personnage sera terminé et que je pourrais juger de sa force : Viviane aura-t-elle besoin d’un écrin ?
Par exemple, je n’ai jamais trouvé de dragon hors décor qui ait suffisamment d’attrait. Certains sujets deviennent vite ridicules ou kitsch sorti de leur gangue. Alors je préfère m’abstenir.
C’est parfois très frustrant car mes antennes de brodeuse s’éveillent à la vue de merveilleuses images mais je me retiens car l’aventure semble disproportionnée. Si je brodais uniquement pour moi ce serait possible car je n’aurais pas à expliquer ni à compter les heures. Je sais, je sais que certains créateurs ne s’embarrassent pas de cela comme la très talentueuse Théa Gouverneur avec ses édifices et paysages. Mais j’ai fait d’autres choix. Je préfère garder l’essentiel et éliminer le superflu.
Mon esprit synthétique prend les dessus… Et peut-être que tout simplement cette dimension de sujet à broder, c’est-à-dire des grands portraits sans décor, me semble être la bonne proportion en terme de temps et d’engagement pour chacune.
C’est l’idée que je me fais mais peut-être ai-je tort ?
Rendez-vous pour la suite : Viviane Episode 7…
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Viviane, La Dame du Lac, par Nimuë d’après une illustration de Zéphir d’Elph.
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super de te suivre comme ça de voir les étapes et la broderie grandir peu à peu sur la toile en pensant à la joie que nous aurons plus tard à nous approprier cette œuvre et en plus je ne sais pas dessiner donc je me régale avec ces fées et personnages
bonne soirée bises
patricia
Merci Patricia. Savoir dessiner permet de comprendre le motif même si on ne dessine pas soi-même. Ça aide beaucoup.Mais dans notre cas il vaut mieux être coloriste.
Je n’avais jamais vraiment percuté sur l »absence de décor bien qu’ayant déjà vu les illustrations qui ont inspiré vos broderies… Comme quoi ainsi que vous le dites les personnages se suffisent. C’est surtout votre talent pour les expressions des personnages. J’ai souvent l’impression de rater cette étape sur vos broderies. Le point de croix ca va sans souci mais les points arrière je rame pourtant c’est l’élément magique de vos grilles le moment où les détails apparaissent…
Bonjour Elisabeth. Ne croyez pas que ce soit facile pour moi non plus. Souvent j’essaye encore et encore jusqu’à ce que je trouve la ligne parfaite. Mais bien sûr cela tient compte de la redondance de mes propres croix. Il faut beaucoup de persévérance et ne jamais lâcher l’affaire tant qu’on n’est pas pleinement satisfaite.
Bonjour,
Je pense également qu’un décor donnerait encore plus de dynamisme à l’ensemble. Etant une adepte du full coverage, je ne peux qu’aller en ce sens ^^
Bravo pour votre travail, c’est un régal de suivre les épisodes et de comprendre le processus de création, c’est quelque chose que nous ne voyons pas en temps normal, alors merci de nous faire participer à ceci!
Merci pour ce commentaire et votre avis Stéphanie. Il faudra certainement évoquer ou affirmer certains éléments et alors imaginer par quel biais y parvenir sans que ce soit trop « attendu ».
Bonjour et merci pour cette progression.
oui, oui, moi je verrais volontiers un décor, un écrin pour Viviane …
J’ai mon disque dur interne qui mouline sur la question