Broder mieux que Contempler ?
Ce qui m’intéresse dans la broderie c’est de broder, bien plus que de contempler.
Une fois la broderie terminée, elle peut aussi bien être mise de côté, la contempler m’importe finalement peu. Peut-être apprécierais-je de la voir dans mon champ de vision pendant encore quelques temps ? et après je l’oublie.
Car assez rapidement je serai concentrée sur la suivante.
Ce que j’aime c’est VIVRE la broderie, dans le temps présent.
Ce qui me passionne, c’est l’émergence des couleurs les unes à la suite des autres. C’est voir comme elles nous gâtent à vibrer ainsi encore et encore, dans l’infini détail.
N’est-ce pas l’enchantement même de la broderie : d’une toile vierge quelque chose gagne petit à petit l’espace et le grignote, dans un festival de beauté et d’harmonie ?
C’est la claque à chaque fois.
Un bonheur simple et efficace.
1- Bombe émotionnelle
Alors que je suis là à avancer dans la broderie de Merlin je suis dans les profondeurs des verts et des bleus autour du cerf et je m’émerveille. C’est tellement beau ! Je me sens privilégiée de vivre cela. Certains vont apprécier de gravir des montagnes, moi je vis l’aventure dans un mètre carré de bombe émotionnelle régie par des fils à broder. Et je sais que plus tard d’autres partageront cette émotion, dans des intensités différentes bien sûr, mais cela va arriver quelque part ailleurs et se propager. Cadeau.
2- Effets de près, effets de loin
Donner le plus d’importance à ce qui est vécu dans cet espace restreint situé entre la main et l’œil, induit des choix de couleurs particuliers.
Si, je privilégie ce que la brodeuse vit en direct avec son ouvrage alors, mes choix de couleurs seront parfois différents de choisir un « effet », qui sera apprécié « de loin » lorsque l’ouvrage sera terminé, voire encadré, voire accroché.
Dans le détail du travail je vais apprécier jouer avec certaines nuances qui pourtant, dès que l’ouvrage s’éloigne de quelques mètres, elles disparaissent complètement. Mais ces nuances sont là ! et animent l’ouvrage en seconde lecture.
Le détail m’intéresse. La nuance, la subtilité m’intéressent. Enrichir encore et encore. C’est mon crédo !
A cet endroit je me sens divinement bien.
Or si je me régale il y a des chances que cela vous régale. (Au moins quelques-unes…)
3- Grille au système trop simple
J’ai tendance à m’ennuyer rapidement. Aussi, il me faut toujours une foison d’informations.
Alors que j’avance dans les profondeurs de la forêt du cerf, je vois un bleu. Très sombre. Mais c’est un bleu comparé au merveilleux vert d’eau profond qu’est le DMC 924. (Mon chouchou du moment)
Je crois utile de dire que, sans doute, je pourrais me passer de ce nouveau bleu, mais je n’en n’ai pas envie. Parce que cela fait déjà des milliers de points que je tourne avec la même palette de verts, (verts d’eau, verts turquoise) et que ça devient un peu trop systématique à mon goût. Aussi je vais m’autoriser un 3750 pour mettre un peu de peps dans ma grille. Autant être claire cela ne se verra pas de loin mais subtilement cela rééquilibrera l’ensemble de la zone vers plus de bleu alors que j’utilise principalement des verts.
4- C’est aussi un sujet : rééquilibrage visuel des masses.
Parfois en introduisant juste une couleur cela permet de ramener la zone dans une teinte globale plus juste. De près il y a surtout des verts, mais de loin, l’œil rassemble la palette et mixte l’ensemble vert et bleu pour en faire du turquoise.
5- Brume
Dans cette zone du cerf, il y a de la brume. La silhouette de l’animal est un peu floue, dans un hallo d’humidité dirais-je. Moi qui vis en Brocéliande je peux vous dire que la brume je connais. Si je juxtapose simplement des couleurs et notamment un bleu marine contre un vert-d’eau foncé pour figurer la bête, la ligne de démarcation sera trop nette. Cela peut fonctionner un temps mais ne peut être constant car alors l’on perd l’effet évanescent. Je vais mélanger ces deux couleurs à des endroits choisis pour flouter les lignes et ramener la broderie au plus près la vérité du sujet.
Parfois j'hésite à mélanger les couleurs parce que certaines (brodeuses) se plaignent, mais là ?! Cécile... J'ai le droit non ? 😜
À la Rencontre d’un Cerf.
Lorsqu’un Cerf apparaît devant soi, une ambiance incroyablement mystique s’installe immédiatement. On est pris de vertige, totalement saisi pas la magie du moment et la surprise du cadeau qui nous est donné. On a le sentiment de rencontrer une sorte de Mémoire Ancestrale, comme si cet animal fantastique incarnait le Grand Temps, quelque chose bien au-delà de notre échelle humaine. (Ou est-ce mon imagination débordante ?) C’est un fait de rencontrer un animal sauvage, et cela arrive constamment ici en forêt, mais un cerf c’est un Roi, The King of the Forest, ça porte une couronne de bois ! C’est divinement beau et altier, sauvage et évanescent, d’une aura hallucinante. Ce qui nous reste ce sont des contours flous alors même que l’animal nous a vu et observé, droit dans les yeux, mais déjà reparti. Un moment suspendu de grâce incroyable.
6- Ce n’est pas tout.
Alors que je pensais bien m’en sortir avec des verts bleutés présents dans la toge, certains contrastes sont trop forts entre le bleu le plus clair et les autres teintes plus foncées. Il me faut une couleur intermédiaire dont je ne dispose pas, sinon il y aura là aussi un problème de démarcation. Bizarrement ce n’est pas d’un turquoise tirant vers le bleu qu’il me faut mais encore d’un vert. Surprise !
Vous l'avez compris, il s'agit de jongler en permanence entre ce que l'œil accepte de près puis ensuite de loin. La vérité se trouve parfois dans la proximité, mais l'éloignement doit rééquilibrer l'ensemble et achever la réflexion.
7- Souche
Maintenant que le cerf est logé dans son écrin, je me dirige vers la souche sur laquelle Merlin trône.
J’ai commencé par les verts puisque je m’appuie sur ceux déjà choisis pour avancer. Cela signifie que j’évolue à partir de ceux déjà dans la palette, en harmonie avec eux, même si les tonalités seront bien plus sombres. Par exemple, je glisse du 905 vers le 904. Ce sont des verts assez vifs mais le 904 est un ton en-dessous. Ce n’est pas un espace essentiel dans l’œuvre, on peut le voir plutôt comme un « cadre intérieur ».
La simplicité est de rigueur ici.
Il vaut mieux garder de la subtilité pour d’autres endroits plus essentiels. Aussi quatre couleurs suffiront pour toute la partie verte de la grosse branche qui remonte vers le ciel. Deux sont déjà dans la palette, les deux plus foncées. J’ajoute un vert moyen qui fera la transition entre le vert bronze foncé et le 904 plus clair. Ces quatre couleurs doivent être efficaces sur toute la hauteur de la branche même si les marrons changent. C’est un petit défit. Le vert moyen a intérêt à être bien choisi ! ni trop bronze ni trop sapin. Ni trop clair ni trop foncé. Un vert tout-terrain avec ce qui l’entoure. Il doit être constant même si ça évolue autour.
Si j’avais brodé pour moi, sans me soucier de valeur économique, j’en aurais peut-être utilisés 3 différents supplémentaires. Pour le plaisir autant que la justesse. Mais je ne suis pas sûre que cela changerait radicalement l’effet général à terme, puisque l’attention sera portée ailleurs sur des éléments bien plus capitaux.
Ceci-dit, rien de me certifie que ce vert choisi maintenant sera le bon candidat lorsque j’aurai fait le tour du personnage et atteint l’autre côté de la souche… je rigole… Rendez-vous de l’autre côté du trône dans quelques jours.
Rendez-vous pour la suite : Merlin Episode 4…
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Merlin, par Nimuë d’après une illustration de Zephir d’Elph
La collection arthurienne est disponible ici :
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Vous avez tous les droits, chère Annaïck !
je suis déjà résignée … mais fort impatiente !
Merci pour toutes ces avancées.
J’aime bien quand on me lance des défis…
coucou c’est un régal de te lire et de voir comment tu avances dans la broderie de merlin je suis en ce moment avec Viviane et je m’amuse bien avec j’ai du coup hâte de voir la suite de merlin et de pouvoir la broder a mon tour merci pour tout
bises patricia
Merci Patricia. Moi je fais en sorte de m’amuser en tordant un peu le sujet dans mon sens.